03/03/2000, Soir (suite)
15 H 30 :
Période calme, durant laquelle chaque membre du groupe souffle un peu : Entre deux descentes plus ou moins en vrac, Arnaud matte les filles en terrasse (Ser schoen les betites zkieuzes !) ; Gaël et ErDup " rentabilisent leur forfait " en enchaînant sans relâche la même piste bleue au pied de la station ; Monie et Jean-Michel jouent à celui qui fera avaler le plus de neige à l’autre ; Hervé a de nouveau froid ; Pierre et ErMor sont à la recherche de leur énergie perdue en se goinfrant de Nuts, Twix, et autres sucreries.
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16 H 30 :
On s’achemine paisiblement vers la fin de la journée. Profitant de la faiblesse et l’inextinguible soif d’aventure de ses coéquipiers, Jean-Michel (avec la perfidie du chacal à langue bifide) glisse dans la conversation : " Tiens, on se remonterait bien au sommet pour en profiter avant de partir… ". Ayant développé une amnésie traumatique sur la précédente ascension, le autres se laissent tenter, sauf Monie à qui la légendaire intuition féminine conseille de rester sagement à des hauteurs plus adaptées à l’organisme humain.
16 H 50 :
Hervé, Jean-Michel, Pierre et ErMor prennent pied pour la seconde fois sur le toit du monde, qui (par un paradoxe qui peut sembler amusant vu de l’extérieur) est également le fond de l’enfer. Des souvenirs extrêmement douloureux reviennent à l’esprit d’ErMor et Pierre, qui changent de couleur. Hervé, quant à lui, a déjà viré au bleu mais c’est plutôt une question de température.
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17 H 00 :
La Pouta s’ouvre devant les inconscients, parsemée des corps sans vie des touristes courageux mais incompétents qui les ont précédés. Pour détourner l’attention de ses petits camarades, Jean-Michel montre du doigt un couple de Choucas qui volent au-dessus d’eux.
Pour information, les Choucas sont de petits oiseaux noirs qui vivent dans les hauteurs, là où rien d’autre ne survit plus de cinq secondes sans assistance respiratoire. Bien que dénués de prédateurs connus, ces petits animaux restent difficiles à observer, car ils sont constamment en mouvement et parcourent les cimes à toute vitesse, probablement pour se réchauffer. Deux questions subsistent pour les scientifiques qui les étudient (malgré l’absence flagrante d’intérêt qu’ils présentent) : a) comment résistent-il au froid ? b) de quoi se nourrissent-ils vu que les mouches sont plutôt rares à ces hauteurs ? L’hypothèse la plus couramment admise pour la première question est que les Choucas, au cours de leur évolution, ont fait l’impasse sur toute une série d’organes vitaux comme le cerveau, le foie, les tripes, etc. (l’explication s’applique aussi aux rares espèces assez têtues pour vivre dans un environnement aussi hostile : le krill, les pingouins, les haut-savoyards…).
Quant à la seconde question, l’équipe en découvrent bientôt la réponse lorsque le couple de Choucas se pose pour picorer un cadavre d’allemand encore fumant.
17 H 20 :
Aiguillonnés par la peur, et malgré une lumière déclinante rendant totalement impossible la perception des bosses, les quatre imprudents retrouvent Monie et se dirigent vers le pied de la station.
Pierre est épuisé, au point qu’il rate le triple saut périlleux avant avec double vrille inversée qu’il tente sur une bosse de vingt centimètres. ErMor aurait bien pris une photo, mais comme il a utilisé la fin de sa pellicule pour photographier le fond de sa poche (conseil : ne pas remonter son appareil avant de le ranger…), ce sera pour une autre fois.
17 H 40 :
Fermeture des pistes, tout le monde se retrouve en bas pour rendre le matériel. ErDup et Gaël ont déjà rendu leurs skis, et attendent patiemment en se félicitant l’un l’autre pour les progrès fantastiques (et par ailleurs improuvables) qu’ils ont effectués.
On s’inquiète un peu pour Arnaud, qui a dû bien
s’ennuyer au cours de la journée. Mais non : alors que l’on
s’attendait à le retrouver malheureux comme un chien paralytique dans un magasin de
baballes, on le voit tranquillement affalé sur une terrasse devant laquelle, comme par
hasard, s’arrêtent toutes les plus jolies femmes de la région ; pas de doute, il a
un don pour ça. 
Plus tard, il nous affirmera s’être blessé au genou durant une descente (double étirement ligamentaire avec épanchement de synovie et gangrène gazeuse) mais le reste de l’équipe refusera obstinément de le croire.
18 H 00 :
On a rendu le matériel, on a poussé les voitures hors de ornières gelées, on est redescendu dans la vallée derrière des bus pleins jusqu’aux yeux de belges plâtrés jusqu’au cou, et le temps est venu de se séparer. On admire une dernière fois les coups de soleils force 12 que chacun ramène chez soi en plaques de souvenirs écarlates, et l’on se dit au revoir. Mais pas en se faisant la bise, parce que sur les brûlures au troisième degré, ça picote.
18 H 20 :
Hervé a la charge de ramener ErDup, Pierre, Arnaud et ErMor à Lyon dans son monospace flambant neuf. Comme tout le monde est fatigué, les conversations ne dépassent pas trois ou quatre mots. Profitant lâchement de la faiblesse de ses petits camarades, Hervé enfile un CD de Serge Regiani dans son lecteur, mais doit aussitôt se garer sur la bande d’arrêt d’urgence tandis que les passagers sont pris de subites crises de vomissements.
19 H 00 :
Tout le monde a regagné ses pénates. Les corps épuisés se décontractent, les estomacs se remplissent, et surtout chacun remercie Dieu que la saison de ski soit finie et qu’un tel calvaire ne doive pas se reproduire avant l’année prochaine. Mais le pire reste à venir : les photos ne sont pas encore développées. Quelque part dans un recoin sombre d’un appartement lyonnais, le narrateur ricane d’avance en léchant ses plaies…