03/03/2000, Matin6 H 30 :Le soleil est loin dêtre levé et les rares piétons à arpenter les rues sont soit des veilleurs de nuit, soit des vampires, voire les deux. Un observateur peu attentif pourrait croire que cette journée est semblable à toute autre, mais un événement quasi-miraculeux est en train de se produire : une équipe de fonctionnaires est en train de se lever, alors que la pause café nest que dans quatre heures. Relativisons toutefois limportance de ce fait, ils sont en congé. Tous autant quils sont, alors quils se dirigent à plat ventre vers la salle de bain dans lespoir de faire disparaître un regard à marée basse et une haleine style " je me suis goinfré de Whiskas chaton toute la nuit ", il vont bientôt vivre une journée comme il en existe peu dans une vie ordinaire : une journée de ski avec ses collègues (roulement de tonnerre et musique dramatique).
7 H 00 :Rendez-vous sur le parking dun centre commercial afin doptimiser le nombre de voitures nécessaires. Défiant toute probabilité, lensemble des participants arrivent à lheure et sans avoir oublié une quelconque pièce de leur équipement. Après une courte période dobservation, durant laquelle chacun lance un regard médusé aux fringues de ski tendance disco de ses petits camarades, Jean-Michel impose demblée lambiance de la journée en lançant : " Eh bien, tu parles dune équipe à cracher le sang "
7 H 15 :Arrêt sur le parking du péage de lîle dAbaut, où Hervé doit retrouver le groupe. Arnaud et ErMor jaillissent des voitures en direction des toilettes sous les effets conjugués du stress et des trois litres de café quils ont dû ingérer pour sortir du coma, le temps de réaliser que décidément, les chauffeurs routiers nont pas une alimentation équilibrée. Après quelques échanges cordiaux (" elle est sympa, la combin que ta légué ta grand-mère "), léquipe enfin au complet part vers laventure, le regard droit vers le soleil levant mais pas trop parce que ça fait mal au yeux.
8 H 10 :Arrivée à Grenoble, au domicile de Monie qui doit récupérer une paire de lunettes de soleil pour Pierre. Le moteur au ralenti, les véhicules savancent sans bruit dans le lotissement encore endormi. Monie descend de voiture et entre chez elle en prenant bien soin de ne pas claquer les portes. En lattendant, Hervé et Jean-Michel organisent au pied levé un concours de klaxon. Selon les voisins livides de rage qui apparaissent bientôt aux fenêtres, Hervé est vainqueur dune courte tête, quils entreprennent aussitôt de trancher pour la planter au bout dune pique à lentrée du village. Nos héros séchappent de justesse et repoussant les forcenés à coups de bâtons.
8 H 15 :Mise en appétit par cette péripétie, Monie sarrête à la boulangerie la plus proche. Indifférente aux regards haineux de Jean-Michel qui trépigne dimpatience dans sa voiture (" Rhâ ! Cest pas vrai ! On va pas commencer à sarrêter pour bouffer tous les 20 mètres ! "), elle prend le temps dacheter et de dengloutir deux pains au chocolat garantis pur beurre. La bave au lèvre, le reste de léquipe craque et se rue dans la boulangerie pour s'empifrer de viennoiseries huileuses. Sauf Jean-Michel, qui dévore partiellement le siège passager pour se calmer
8 H 30 :Début de lascension vers la station, et les voitures se trouvent instantanément coincés derrière les habituels bus pleins jusquaux yeux de touristes belges, eux aussi pleins jusquaux yeux. Les poumons emplis de vapeurs de Gazole, léquipe prend son mal en patience. Dans la voiture de Jean-Michel, Arnaud récite la biographie " People " de chacune des artistes féminines qui passent sur lauto-radio. Au bout de 30 minutes, dans lespoir déchapper à une embolie cérébrale fulgurante, ErMor lui enfonce les restes du siège passager au fond de la gorge. Ensuite, rasséréné, il essuie le sang qui coule de ses oreilles et jure solennellement de ne plus jamais ouvrir un Télé 7 jours.
9 H 10 :Arrivée en station. Chacun descend de voiture, remarque quil y a de la neige, que le paysage est magnifique, et se congratule davoir expédié si rapidement les banalités dusage. On revêt ses plus beaux atours (y compris Hervé qui les vêt et les revêt encore sur une douzaine de couches successives) et lon se dirige ensuite vers le bas des pistes. Sur les conseils dErMor, léquipe emprunte un petit escalier de métal qui constitue le plus court chemin et entame sérieusement les forces de ceux qui ont déjà enfilé leurs chaussures de ski. Mis à part Jean-Michel, Hervé et Arnaud, qui ont déjà leur matériel, tout le monde se dirige vers les boutiques pour louer le nécessaire. Au comptoir, Gaël, ErDup et ErMor demandent dune seule voix (je cite) : " des skis grands débutants pour luges à foin ". Cinq minutes plus tard, ils se retrouvent chaussés de " Ultra Diabolic Carving Maximum Light-speed Carnage Overkill V2350 Revised ". ErDup hurle à la conspiration, mais le vendeur lui assure quil na rien de plus pépère. On paye donc et on sort, en prenant garde de ne pas ségorger sur les quarts aiguisés comme des rasoirs.
9 H 40 :Skis aux pieds, léquipe se dirige vers les télésièges. En attendant ses collègues, Arnaud a effectué quelques descentes sur une petite pente proche. Il sent bien que des problèmes ne vont pas tarder à se présenter, mais ne dit rien pour ne pas semer la panique. Les autres retrouvent plus ou moins facilement les sensations de glisse, sauf Pierre qui maîtrise déjà le chasse-neige et demande alentour comment on exécute les sauts périlleux.
9 H 50 :Au sommet de la piste bleue choisie pour léchauffement, ErMor fait les premières photos. " Pendant que tout le monde tient encore debout ", se justifie-t-il sans réaliser la nature prophétique de ses paroles.
Chacun sélance ensuite à sa manière : Monie avec son élégance légendaire, ErDup dans un chasse-neige un peu crispé mais efficace, Gaël tout doucement parce que cest la reprise, etc.. Puis vient le tour dArnaud.
[suite]
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