03/03/2000, Soir
13 H 00:Pause déjeuner. On retrouve Arnaud et on décide de prendre " un petit sandwich en terrasse rapidement ". Mais une fois assis en plein soleil, avec le menu sous les yeux, le groupe craque : ce sera saucisse-frites pour tout le monde. Jean-Michel et Hervé se commandent des bières, pour faire bonne mesure, et lon assiste à un phénomène étonnant : entre le moment où la serveuse pose les boissons sur la table et celui où Jean-Michel la remercie, Hervé a déjà vidé son verre. Nous en sommes donc sûrs à présent (quelle que soit la véhémence avec laquelle il invoque la chaleur et lévaporation) : Hervé est bien un champion de descente. Cela se confirmera moins dun quart dheure plus tard lorsquil avalera sans sourciller sa deuxième assiette de saucisse-frites. Second événement dimportance : bourré à bloc de calories comme il lest, Hervé se découvre et décide de skier en T-shirt pour le restant de laprès-midi. Jean-Michel se pince jusquau sang tant il est convaincu de rêver.
13 H 40:
Retour sur les pistes. Lorsquil est décidé de " monter un peu plus haut " pour voir le sommet du domaine skiable, Gaël et ErDup se dégonflent. Prétextant le manque dentraînement et le besoin de reprendre doucement, ils choisissent de rester avec Arnaud pour saguerrir sur les pistes bleues. Compréhensifs, les autres membres les qualifient de " grosses lopettes dénués de tripes " et sen vont vers les hauteurs.
13 H 50:
Arrivée à mi-hauteur. Là, un autre télésiège mène au sommet.
14 H 00:
Le trajet vers le sommet séternise. La température baisse de plusieurs degrés et Hervé commence à bleuir. A trente mètres au-dessus dune barre rocheuse particulièrement acérée, ErMor remarque que le câble dacier qui retient les sièges nest finalement pas si épais que ça. " Cest amusant de penser quà ces quelques centimètres de métal sont attachées plusieurs centaines de personnes, sans compter le poids des fauteuils et de léquipement. Ca doit faire quoi ? Plusieurs tonnes, au moins " Pierre lui coince un de ses bâtons entre les mâchoires pour le faire taire et termine lascension les yeux fermés en marmonnant des prières.
14 H 15:
Le groupe prend pied au sommet de la station. Un vent glacé fouette en permanence les malheureux humains qui ont eu limpudence de saventurer à ces hauteurs. A quelques mètres de la fin du télésiège, un mince filet de plastique orange déchiré sépare les skieurs dun gouffre qui souvre sur un néant vertical dont le fond est invisible mais lointain et certainement douloureux. Poussé par le vent, Pierre sarrête de justesse alors que ses spatules dépassent déjà dans le vide, tandis que Hervé se rigidifie de seconde en seconde.
Au bord de la piste, un panneau indique " La Pouta ", mais un rapide coup dil vers le bas démontre clairement que le " o " est de trop : imaginez une double chicane de 3 mètres de large, constellée de bosses de cinquante centimètres et bordée de ravins vertigineux ; telle est la première portion de la piste.
Cheveux aux vents et sourire aux lèvres, les spécialistes (Monie, Jean-Michel et Hervé) sélancent sans hésiter parmi la foule des monchus qui recherchent le grand frisson et finissent plantés dans le bas-côté. Dénué de peur comme dhabitude, mais aussi despoir de survivre, Pierre les suit et percute presque aussitôt un malheureux touriste qui ne contrôle pas plus sa trajectoire que lui. Léchange est cordial, mais comme le temps manque pour chanter " YMCA ", les deux nouveaux amis se séparent sans même échanger leurs adresses. ErMor vient en dernier, pas très rassuré, mais grâce à une prudence à peine digne du plus infâme des lâches, sen tire vivant de justesse.
14 H 30:
Seconde partie de la piste : à gauche un grand champ de poudreuse, quasi-vertical ; à droite, une large courbe bosselée, ornée ça et là de drapeaux de slaloms multicolores. Hervé et Jean-Michel se jettent aussitôt dans la poudreuse en poussant de petits cris de surfeurs hystériques, inconscients de la réelle signification du mot " fracture ". Monie hésite un instant, se rappelle que le mot " fracture " saccompagne fréquemment des adjectifs " double " ou " triple ", et part à droite. Pierre la suit en slalomant. Probablement sous leffet de la peur, ErMor péte un plomb : il se rue sur un des drapeau de slalom, larrache du sol et repart en hurlant " Ive got their flag ! ". Sur ce, il zigzague comme un fou pour éviter des roquettes imaginaires et bascule par-dessus le bord dun ravin proche. Cette fois pas de doute : les jeux vidéos à forte dose ont une influence sur les esprits faibles.
15 H 00:
On est parvenu à tirer ErMor de son ravin et de sa crise de paranoïa aiguë, et le groupe arrive enfin à son point de départ. Jean-Michel sexclame : " Ouah, génial ! On se la refait ? " et est aussitôt flagellé à coups de bâtons de ski. On se dirigera donc plutôt vers une piste rouge un peu moins dure, ce qui tombe bien puisque le soleil plus bas rend la perception des reliefs hasardeuse, et que tout le monde commence à fatiguer. Hervé constitue lexception et, boosté par la remontée de la température, profite de ce regain dénergie pour faire le cake sur toutes les photos.